Alienum phaedrum torquatos nec eu, vis detraxit periculis ex, nihil expetendis in mei. Mei an pericula euripidis, hinc partem. [vc_empty_space height="10px"]
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Lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République Française

Monsieur le Président,

J’ai le plaisir de m’adresser à vous par le biais de cette correspondance ouverte qui vous est
parallèlement parvenue par voie de courrier officiel via le canal de la représentation
diplomatique de votre pays à Yaoundé, au Cameroun.

L’initiative de vous écrire en tant que Président de la République Française émane de ce que,
par la force des choses, l’histoire de France, depuis au moins la conférence de Berlin de 1884-
1885 et la fin de la grande guerre de 1914-1918, c’est-à-dire depuis plus d’un siècle, ne s’écrit
pas sans l’Afrique. Une part commune d’histoire qui n’a jamais bénéficié de la juste résonance
qu’elle mérite, aussi bien auprès du peuple français que des africains eux-mêmes. Or, il
m’apparaît inconcevable de vivre une relation sincère si on prend soin d’éluder des pans
essentiels de l’histoire partagée.

Camerounais mais africain d’abord, à la convocation des faits historiques et à la lecture des
événements en cours, je me préoccupe de l’avenir de mon peuple et je m’interroge, tout en
suggérant, dans un intérêt commun, des actes concrets visant à envisager un futur serein,
dépourvu de suspicion et de malice, d’une part. Mais aussi, d’autre part, il s’agit par cette
démarche, de faire écho de l’état d’esprit ainsi que des aspirations profondes des africains
dont la voix est trop souvent tue par la parole officielle d’une élite cooptée qui ne reflète
systématiquement jamais les véritables préoccupations du peuple et ne plaident que pour
leurs intérêts et ceux de leurs interlocuteurs.

Monsieur le Président,

La France n’a jamais pris l’initiative ni affiché la moindre velléité de vider le contentieux
historique béant avec l’Afrique. Au-delà des slogans, des discours et promesses de
circonstances, aussi bien de vous que de vos prédécesseurs, rien de concret n’a jamais filtré
depuis. La part de responsabilité de la France dans les malheurs du continent de Soundjiata
Keïta, Shaka Zulu et Laurent Gbagbo, et son attitude de mépris quant aux devoirs de
repentance et de réparation conséquente qui s’imposent font de l’Afrique, subsaharienne
francophone notamment, un continent doublement meurtri. J’en veux pour preuve, une liste
non exhaustive des meurtrissures héritées de la relation souvent perverse entre la France et
l’Afrique, et qui continue de hanter les mémoires des africains :
– Le massacre de Thiaroye du 1er décembre 1944, au cours duquel des soldats africains
qui venaient de combattre pour la libération de la France ont été exécutés de façon
sommaire pour avoir réclamé leur solde, sur ordre des officiers de l’armée française,
après leur rapatriement manu militari par souci de blanchiment des troupes, pour
indiquer que la France libérée des griffes nazies était l’œuvre des français de souche ;
– Les différents massacres précédant les indépendances en Afrique, que ce soient ceux
de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, à partir du 8 mai 1945 ou encore ceux du
Cameroun dans ce qu’il a été convenu de qualifier de guerre, avec des dizaines de
milliers de morts du fait de l’usage du napalm à l’Ouest et au Centre entre 1954 et
1970 par l’armée française ou encore de la lomidine meutrière délibérément
administrée aux populations de l’Est du Cameroun en novembre 1954 ;
– Les assassinats en série des indépendantistes et hommes politiques africains qui
avaient pour seul crime l’audace de réclamer l’affranchissement des chaînes coloniales
françaises. D’Ali Boumendjel d’Agérie en 1957 à Mouammar Kadhafi en Lybie en 2011,
en passant par Barthélémy Boganda en 1959 en République Centrafricaine, Um Nyobè
en 1958 et Félix Moumié du Cameroun en 1960, Sylvanus Olympio du Togo en 1963,
François Tombalbaye du Tchad en 1975, Thomas Sankara du Burkina Faso en 1987, ces
victimes de la frénésie meurtrière française ne représentent que quelques-unes de
cette longue liste macabre ;
– Le pillage suivi de la détention abusive de dizaines de milliers de nos objets cultuels et
culturels présents dans vos musées à ce jour, et dont l’accès tarifé à une dizaine
d’euros par personne génère des milliards de chiffres d’affaires depuis de longues
décennies ;
– L’imposition du Franc CFA que subissent les économies de 14 pays d’Afrique, décidée
pour les africains et sans les africains, par la force d’un décret inique signé le 25
décembre 1945 par trois français, le Général De Gaulle, Président du Gouvernement
provisoire, René Pleven, Ministre français des Finances et Jacques Soustelle, Ministre
des Colonies. Comme vous le savez, la soumission des africains au franc CFA pour ceux
qui en dépendent a été directement calquée sur le modèle nazi lors du régime de
Vichy, pour assurer l’approvisionnement léonin en matières premières des
multinationales françaises au franc symbolique, ainsi que le rapatriement sans
contrainte de conversion monétaire des bénéfices tirés de ce hold-up économique à
ciel ouvert, le tout avec une grossière décote en parité fixe avec le franc français
d’abord, et l’euro ensuite, causant les pires misères à nos économies. Et ça fait 75 ans
que ça dure.

Monsieur le Président,

Toutes ces manœuvres ont été perpétrées et sont perpétuées en vue de préserver les intérêts
de la France dans ce qu’elle s’obstine à considérer comme étant son pré carré naturel en
Afrique. Les crimes et injustices historiques de la France contre l’Afrique sont pour l’essentiel
établis, et occulter les réalités sombres de l’histoire qui nous lie s’apparente à de la
malhonnêteté intellectuelle manifeste de la part des dirigeants successifs de votre pays. Ne
pas s’engager sur la voie de la repentance et des réparations et continuer de crier l’amitié
entre nos deux peuples est une insulte à nos intelligences et un mépris ostentatoire à la
mémoire collective africaine. La France d’aujourd’hui ne peut se dédouaner des actes de celle
d’hier, sous prétexte d’éviter de ressasser le passé ou de n’être pas comptable des crimes
antérieurs. Une telle charge historique funeste ne saurait être passée par pertes et profits.
Aussi vrai que les français d’aujourd’hui bénéficient allègrement des retombées de ces
injustices historiques, les africains eux, subissent encore et toujours les misères conséquentes
à cet impérialisme outrancier séculaire de la France. Le bon sens ne peut consentir à assumer
les conséquences tout en prenant soin d’ignorer les causes. Le peuple français doit connaître
la vérité de l’origine de son confort, tout au moins d’un point de vue collectif, tout comme le
peuple africain doit avoir conscience de la part significative de responsabilité de la France dans
sa misère organisée et entretenue. Cette indigence africaine subie par la majorité est
hypocritement attribuée à la corruption, aux détournements et à la mal gouvernance de nos
dirigeants qui sont des faits réels, mais qui ne sont que des conséquences d’un système
malsain minutieusement pensé et pérennisé depuis les laboratoires de l’Elysée. Dans une
tradition très française d’attribution de bons et de mauvais points aux gouvernants africains,
selon une logique à géométrie variable, Paris dénonce lorsque ses intérêts sont menacés, et
adoube lorsqu’ils sont préservés. On n’éteint pas un feu en dissipant sa fumée, mais en
s’attaquant à son foyer.

Monsieur le Président,

La France métropolitaine, c’est une population de 65 millions d’habitants sur environ 550 000
km² pour un taux de croissance du PIB d’à peine 1,5% ; c’est un déficit public structurel qui
propulse son niveau d’endettement à 115% du PIB, loin au-delà des exigences de Maastricht
dont le plafond est fixé à 60% ; c’est un taux de chômage qui frôle les 11%, au-dessus de la
moyenne de l’Union Européenne ; c’est un tissu industriel moribond qui ne contribue qu’à
près de 10% de votre PIB contre 20% pour le voisin allemand, et dont vos fleurons tirent leurs
gloires éphémères de la surexploitation des matières premières en Afrique. La France, c’est
une population vieillissante avec plus de 20% des personnes de plus de 65 ans et un taux de
natalité bas avec 1,88 enfant par femme, d’où le faible taux de croissance démographique
annuel de 0,2%. Conséquence, la France, c’est aussi un système social brinquebalant avec un
modèle de retraites par répartition à bout de souffle, le tout sur fond d’implosion sociale
latente avec des millions de français qui n’en peuvent plus de l’accumulation de sacrifices sans
le sentiment d’une redistribution juste et équitable.

L’Afrique, elle, c’est 1,4 milliard d’habitants répartis sur 30 millions de km², soit environ trois
fois la superficie de l’Europe et ses 750 millions d’habitants, avec plus de la moitié des
richesses mondiales du sol et du sous-sol, près de 60% des terres arables du monde et une
climatologie favorable, une main-d’œuvre abondante, dynamique et qualifiée, une population
essentiellement jeune où les moins de 25 ans représentent 62% contre 27% dans les pays
occidentaux, un taux de croissance démographique de 2,7%. L’Afrique, c’est le continent
berceau de l’humanité, aux peuples et civilisations plusieurs fois millénaires, à la faune et à la
flore d’une diversité singulière, terre originelle de toutes les sciences et connaissances. On
comprend aisément que l’Afrique suscite toutes les envies et aiguise les appétits de la France
et des autres nations du monde. Complètement à contre-courants de la cristallisation dans
l’imaginaire collectif dominant d’une Afrique agonisante et quémandeuse que les médias
propagandistes occidentaux prennent soin de relayer à l’envie. La vraie question est de savoir
si on pille des pauvres ! C’est d’ailleurs en toute connaissance de cause que vous avez-vousmême déclaré que « C’est en Afrique que se joue largement l’avenir du monde ».

Monsieur le Président,

Vous le savez autant que nous, africains aux consciences éveillées, que c’est la France qui a
besoin de l’Afrique, et non l’inverse. Vous avez vous-même encore déclaré, je cite, « L’avenir
de la France est en Afrique ». Avant vous, vos prédécesseurs avaient déjà tenu des propos
dans la même veine. Mais les africains ne veulent pas de la France comme boussole pour leur
avenir. Les africains tiennent à se départir du paternalisme encombrant que la France leur
impose depuis un siècle. Les africains veulent crier au monde entier que le genou de la France
les asphyxie et qu’ils exigent l’affranchissement sans délai des chaînes pernicieuses que votre
pays maintient par tous les moyens, pour perpétuer la vassalisation de nos gouvernants et la
paupérisation de nos populations. L’Afrique revendique des relations de respect réciproque
et non de soumission au rythme d’injonctions et de condescendance française. Cet état de fait
est en violation flagrante du sacro-saint principe d’autodétermination des peuples tel que
stipulé dans l’article premier du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques
adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966, et qui indique que
« Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social
et culturel ».

Nous, africains assoiffés de liberté, sommes au courant de la décrépitude économique et
sociale avancée que subit la France et de toutes les difficultés extrêmes qui sont les siennes
et qu’elle parvient encore, tant bien que mal à dissimuler, ainsi que des nuits sans sommeil
qu’elles vous causent, à vous et à vos collaborateurs, et nous consentons à compatir.
Seulement, l’Afrique ne peut et ne veut plus continuer d’être le souffre-douleur de la France.
L’Afrique a ses challenges. L’Afrique a ses priorités. Les priorités de la France ne sont pas celles
de l’Afrique. Et non, l’Afrique ne veut plus lier son sort à celui de la France, au seul diktat de
celle-ci. L’Afrique veut et peut tracer et suivre son propre chemin.

Monsieur le Président,

L’Afrique ne peut plus accepter indéfiniment la manifestation ostentatoire de mépris de la
France à son égard. Depuis l’instauration du système inique de la Françafrique par le Général
De Gaulle et son principal cerveau Jacques Foccart, la France ne s’est jamais départie de ses
méthodes éculées, malgré les déclarations pieuses de circonstances. L’Afrique subsaharienne
francophone est encore sous le joug de ce système pervers dont les réseaux toujours actifs
font et défont les rois au sein de vos anciennes colonies. Les immixtions permanentes de la
France dans les affaires internes africaines exaspèrent, et la jeunesse africaine, de plus en plus
alerte, ne va plus regarder longtemps sans rien faire, et les connivences malsaines habituelles
avec vos relais africains en interne ne pourront absolument rien face à notre détermination.

A l’occasion du Sommet du G5 à Pau en janvier 2020, vous avez évoqué la montée d’un
sentiment anti-français chez les africains, et vous vous en êtes indigné. Permettez-moi de
rectifier. Il ne s’agit nullement d’un « sentiment », mais bien d’une rage, oui celle de la liberté,
celle de la souveraineté dont la France s’arroge le droit de priver les africains. Les africains
avisés manifestent leur ras-le-bol et revendiquent leur autonomie, et ce que vous qualifiez à
tort de « sentiment » porte les germes d’une révolution imminente aux conséquences
irréversibles. Le concept de « sentiment » anti-français est donc malicieusement choisi par ceux
qui ont intérêt de feindre d’ignorer une réalité patente : la soif de liberté d’un peuple à bout
des excès d’une France prédatrice et hautaine. Aussi, les africains n’ont pas le moindre grief
contre le peuple français qui est lui-même victime des tares politiquement congénitales des
classes dirigeantes successives à la tête de son pays. Les africains épris de liberté sont
solidaires de tous les laissés-pour-compte et s’insurgent contre tous les systèmes
oligarchiques et ploutocrates qui misèrent leur quotidien et compromettent leurslendemains.

Monsieur le Président,

Votre accession au pouvoir en 2017 a laissé présager que vous auriez plus de courage et de
fraîcheur que tous vos prédécesseurs pour opérer dans le cœur des habitudes françaises, un
changement radical de paradigmes. Vous êtes non seulement le plus jeune Président de la Ve
République, mais aussi le plus jeune Chef de l’Etat français depuis Louis-Napoléon Bonaparte
en 1848. Raison pour laquelle nous nous sommes pris à rêver que vous vous débarrasseriez
des vieilles outres pour un vin nouveau, celui qui célèbre la fin des pratiques défraîchies et des
méthodes passéistes.

La France a trop souvent joué un jeu trouble dans ses relations avec ses anciennes colonies.
J’ai évoqué la Françafrique et ses œuvres lugubres et funestes auxquelles n’a jamais dérogé
aucun de vos prédécesseurs de la Ve République, convaincus qu’ils étaient tous investis d’une
mission divine pour penser et décider pour le compte d’une Afrique incapable. Force est de
constater que nous continuons d’assister à l’intrusion de la France dans toutes les sphères de
la vie politique et économique de nos pays, souvent au mépris de nos réalités contextuelles
et légales. La France des droits de l’Homme et des valeurs démocratiques consent pourtant à
adouber sans hésitation des dirigeants africains illégitimes, au mépris des dispositions
constitutionnelles locales, du moment où le nouvel homme fort garantit la préservation de
ses intérêts. Pourtant, la même France n’hésite pas à faire un grand écart pour récuser, à grand
renfort d’arguments juridiques et de menaces d’une certaine communauté internationale,
l’accession au pouvoir, même légitime et constitutionnelle, d’une personnalité qui ne
correspond pas au portrait-robot du dirigeant servile idéal aux ordres de la métropole. Les
faits historiques et l’actualité brûlante parlent d’eux-mêmes.

Monsieur le Président,

La France doit impérativement s’inventer un modèle économique autre que celui de sangsue
sur l’Afrique. La sixième puissance économique mondiale ne peut pas s’obstiner à lire son
avenir dans une boule de cristal africaine. Les autres anciennes puissances coloniales ont su
se défaire de la dépendance de leurs anciennes colonies et ainsi se définir un nouveau modèle
économique et politique. Comme l’écrasante majorité des africains fiers de leurs origines et
attachés à leurs terres et valeurs, contrairement à la propagande de vos médias autour d’une
poignée d’africains obsédés par l’Occident, y compris au péril de leurs vies, je ne me sens pas
concerné par d’éventuelles représailles visant la privation de voyages sur votre territoire ou
dans n’importe quel autre pays d’Occident. L’immigration des africains vers la France et
l’Occident est la conséquence naturelle de la précarité extrême que votre pays impose à nos
populations par un système de prédation durablement instauré. Redéfinissons ensemble les
bases d’une coopération saine et la dignité retrouvée des africains fera de vos préoccupations
de flux migratoires un mauvais souvenir. Tel l’effet d’un aimant sur une pièce d’argent, les
peuples africains suivent le chemin de leurs richesses.

Monsieur le Président,

Comme annoncé, vous avez assisté avec votre délégation aux obsèques du Maréchal Idriss
Déby Itno en date du 23 avril 2021. Bien que conforme aux usages diplomatiques et aux
protocoles des Etats, permettez-moi de vous faire part de ce que l’Afrique a davantage besoin
de considération et d’autonomisation que de compassion. Tant que l’Afrique ne sera qu’une
terre d’approvisionnement pour la France et les africains des faire-valoir, aucun représentant
de la classe dirigeante française ne sera le bienvenu en Afrique, même dans le cadre de visites
officielles. Vos « amis » et homologues pourront toujours vous dérouler le tapis rouge, mais
vous ne serez jamais les bienvenus dans les cœurs des africains en dehors de la poignée qui
est à la solde de la France. Croyez-moi, les africains hostiles au mépris séculaire français
constituent l’écrasante majorité, et se feront bientôt entendre. Cette catégorie croissante
d’africains éclairéssait que dans chaque déstabilisation de l’Afrique, l’ombre de la France n’est
jamais loin.

Monsieur le Président,

Parler d’amitié, d’aide et de compassion vis-à-vis de l’Afrique ne nous émeut pas. Seule notre
souveraineté nous interpelle. Il y va de notre dignité, et elle ne se négocie pas. Le peuple
africain au nom duquel je parle ici exige un certain nombre de préalables sans lesquels l’image
de la France en Afrique, déjà suffisamment écornée, ne fera que continuer de se dégrader.
Ces mesures qui concernent des aspects essentiels dans notre processus de restauration et
d’autonomisation des peuples d’Afrique se déclinent comme suit :
– Le retrait sans condition des bases militaires françaises d’Afrique, partout où elles se
trouvent, car perçues à juste titre par les africains comme des forces d’occupation.
C’est à l’Afrique d’organiser sa défense, et elle en a la volonté et les moyens. Aussi, la
présence militaire française en Afrique n’a jamais atteint le moindre objectif affiché.
Bien au contraire, vos troupes sur le sol africain ont toujours engendré chaos et
instabilités sécuritaires dont la France devra répondre. A titre d’exemple, le G5 Sahel
mis sur pied en février 2014 et appuyé par vos troupes, n’a jamais pu juguler le
djihadisme annoncé, en huit années de présence de la septième puissance militaire
mondiale dans la région. Fort de cette réalité absurde, tous les analystes sérieux
s’accordent à conclure que l’obsession de la France à maintenir son armée au Sahel
trouve nécessairement son explication ailleurs que dans la thèse officielle. Les milliards
d’euros mobilisés depuis des années pour financer ces expéditions françaises et
Onusiennes, pour des résultats inexistants, auraient pu servir à sauver les vies des
millions d’africains dans cette région qui meurent de faim ou sont irradiés dans les
catastrophes écologiques du fait de l’exploitation des mines d’Uranium par la très
puissante multinationale française Orano (ex-Areva) en activité au Niger depuis plus
de 50 ans maintenant, mais aussi par les explorations et exploitations de la non moins
puissante multinationale pétrolière française, Total. Ne restez pas non plus sourd à
l’appel récent des 51% des français défavorables à votre présence militaire au Sahel
d’après vos instituts de sondage ;
– La fin définitive de l’ingérence monétaire française avec le franc CFA qui paupérise
durablement l’Afrique depuis 75 ans aujourd’hui et qui ne sert que les intérêts de la
France ;
– La rétrocession intégrale de nos réserves de change logées dans les comptes du Trésor
Public Français depuis près d’un siècle par un mécanisme imposé de rétention des
fruits de notre commerce extérieur ;
– L’abandon pur et simple de la parodie de transition monétaire vers l’Eco pour les pays
de la zone CEDEAO et dont le toilettage cosmétique ne résout aucun des problèmes
fondamentaux posés par le franc CFA. C’est à l’Afrique que revient la responsabilité
exclusive de décider de son avenir monétaire et économique ;
– La fin inconditionnelle de tous les accords postcoloniaux, officiels et officieux, qu’ils
soient monétaires, économiques, militaires ou politiques ;
– La fin du braquage économique systématique par les multinationales françaises qui
spolient nos ressources et engendrent des catastrophes écologiques et sanitaires, ainsi
que des instabilités sociales et sécuritaires durables dans nos pays. Les cas non isolés
du Niger et de son Uranium et de la République Démocratique du Congo notamment
dans le Nord et le Sud Kivu et son Coltan sont consternants ;
– La déclassification des dossiers d’archives relatifs aux crimes perpétrés par la France
en Afrique et établis comme tels ;
– Des repentances et commémorations officielles suivies de réparations financières
conséquentes pour tous les crimes que la France a commis partout en Afrique ;
– La restitution inconditionnelle de tous nos objets illégalement détenus dans vos
musées par dizaines de milliers, et qui continuent de générer des milliards d’euros pour
votre économie depuis de longues décennies. La trop timide amorce avec la restitution
le 17 novembre 2019 du sabre d’El Hadj Oumar Tall au Sénégal ne suffit pas ;
– La fin définitive de l’ingérence obsessionnelle de la France dans les affaires africaines,
car on peut apprécier les conséquences néfastes de toutes ses interventions en
Afrique, notamment militaires, avec le cas révoltant de la Lybie dont l’implication
ostensible française en 2011 y a installé un chaos permanent, déstabilisant ainsi un
pays jadis prospère que les bombardements injustifiés de la France ont ramené 50 ans
en arrière ;
– Le démantèlement définitif des réseaux mafieux de la Françafrique que l’Elysée
continue d’entretenir ;
– La suppression pure et simple des sommets France-Afrique qui sont une parodie de
coopération et qui ne sont d’aucun intérêt pour les africains, quand on sait que c’est
l’occasion pour la France d’humilier nos dirigeants et de leurs dicter leurs feuilles de
route selon l’agenda de Paris. Les intellectuels africains conviés à ces sommets,
minutieusement sélectionnés par la France et sans aucun mandat des africains, ne
sauraient parler au nom de l’Afrique. Ce carnaval aux relents nauséabonds est la forme
la plus élaborée de l’escroquerie intellectuelle dont est victime l’Afrique ;
– Que la vérité historique basée sur les faits avérés soit enfin écrite et enseignée partout
dans les écoles françaises et africaines, en lieu et place des fables convenues qui
maintiennent délibérément les peuples dans les ténèbres de l’ignorance.

Monsieur le Président,

Jacques Chirac reconnaissait sur le tard que la prospérité de la France était principalement
due au pillage de l’Afrique. Il n’était pas animé d’un « sentiment » anti-français, il était lui-même
français. Mieux, il a assuré la Présidence de la République française pendant deux mandats.
Quant à Aimé Césaire, il déclarait en son temps que « Le malheur de l’Afrique c’est d’avoir
rencontré la France ». Il n’était pas animé d’un « sentiment » anti-français, il était lui-même
français. Cette affirmation ne peut qu’être corroborée du moment où on s’affranchit des
métaphores policées qu’imposent les codes de la duplicité diplomatique. Aussitôt qu’on
s’imprègne de l’histoire vraie en assumant de soulever les tapis, on se rend à l’évidence de la
pertinence du propos de l’écrivain martiniquais. La France humaniste et altruiste des lumières
est une chimère. Aucun africain raisonnablement constitué n’y souscrit. Rendez-vous à
l’évidence de l’émergence d’une nouvelle génération d’africains, déterminés à rompre le
cordon ombilical souillé avec la France, et affranchis de la peur de se voir assassinés pour leurs
idées de liberté. La dynamique en marche est telle qu’une tête coupée laissera pousser mille
autres, accélérant ainsi le processus inaltérable de la renaissance africaine. Seule une attitude
d’humilité synonyme de sagesse pourra sauver la France. Un acharnement dans sa logique
habituelle de condescendance la perdra. Ni la France, ni ses mandataires ne pourront
empêcher l’horloge de l’histoire de tourner au rythme impulsé par les sirènes de la liberté.

Monsieur le Président,

Je vous invite à une lecture lucide du cours des événements à la lumière de l’authenticité
historique pour vous rendre compte que c’est un impératif pour la France de reconsidérer ses
voies vis-à-vis de l’Afrique. Il est grand temps que la France arrête d’entrevoir son avenir sous
le prisme de l’Afrique et travaille enfin à se réinventer un modèle autonome dépourvu de
malice et de malveillance.

Tout en bouclant le présent exercice épistolaire, je vous offre cette série de proverbes issus
de la sagesse africaine, que je vous conseille vivement de méditer :
– « Quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit toujours par se lever » ;
– « Quand un arbre tombe, on l’entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit » ;
– « Un acacia ne tombe pas à la volonté d’une chèvre maigre qui convoite ses fruits » ;
– « Une pirogue n’est jamais trop grande pour chavirer » ;
– « Marche sur une fourmi et mille autres t’attaqueront »
– « Dans une démarche de réconciliation, on ne vient pas avec un couteau pour trancher
mais une aiguille pour coudre ».
Puissent nos ancêtres africains vous accorder un esprit de discernement.

Sincères considérations.

Paul ELLA

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