Alienum phaedrum torquatos nec eu, vis detraxit periculis ex, nihil expetendis in mei. Mei an pericula euripidis, hinc partem. [vc_empty_space height="10px"]
[vc_empty_space height="20px"]

L’AFRIQUE A MAL A SES INTELLECTUELS

Ils savent tout, critiquent tout, s’opposent à tout. La parlotte est leur sport favori. Ces
dépositaires de la connaissance universelle inattaquable ont la science infuse. Ils ont des
plans et stratégies imparables pour l’émergence de l’Afrique. Mais c’est encore des projets.
Toujours des projets. Rien que des projets. Du bout des lèvres, et au mieux, sur du papier. Ils
s’enorgueillissent de leurs parchemins, souvent pompeux. Ils écument les plateaux télé. On
les consulte. Ils parlent au nom du continent. Ils se recrutent également parmi les moins ou
pas connus. Ils investissent les réseaux sociaux de leurs écrits et de leurs interventions vidéo.
Ils expliquent, en toutes circonstances, ce qu’il faut faire. Ils ont solution à tout. Ils se
prononcent sur tout ou presque. Ils manifestent une assurance pédante et ont la critique
facile. Ils sont remplis d’eux-mêmes. Leur expertise en rhétorique et en maniement de la
langue de Molière séduit les esprits sensibles aux formes verbales exquises.

Pour les premiers, les médias leurs tendent leurs micros et leurs déroulent le tapis rouge, les
rois les consultent, le peuple les adoube. Pour les seconds, leurs audiences virtuelles ne sont
pas moins crédules et admiratrices. L’Afrique, subsaharienne francophone, c’est l’univers
des belles et grandes intentions. C’est le royaume de la réflexion, mais pas de l’action. C’est
la maternité des projections et le sépulcre des réalisations. C’est la terre fertile des
éruditions analytiques stériles. Non, ces euphémismes ne relèvent pas du pessimisme. C’est
de l’observation empirique. Si les intentions avaient seulement commencé à céder du terrain
à l’action, ça se saurait depuis le temps. La preuve, malgré toutes les belles paroles, les longs
débats, les interminables et éloquents laïus qu’on assimile abusivement à de l’intelligentsia,
rien ne bouge. Beaucoup de paroles, pas d’actions. Beaucoup d’émotions, pas de
résolutions. Beaucoup de vœux pieux, pas de décision. Enormément d’annonces, pas de
concrétisation. De nombreuses velléités, pas de détermination. L’Afrique est frappée d’un
intellectualisme paresseux affligeant. Tout le monde murmure ce qu’il faut faire, mais
personne ne se lève de son fauteuil douillet. Tout le monde en a marre, mais les pantoufles
de l’inaction sont beaucoup trop confortables. Tout le monde veut voir bouger les lignes,
mais la peur de s’exposer nous étouffe. Tout le monde s’agace des injustices, mais la
distraction nous entraîne. On pense tous qu’il est grand temps d’agir, mais personne ne
songe à perdre ses privilèges. Les préoccupations d’ascension sociale sont trop pressantes. A
d’autres, le sacrifice pour le peuple. Résultat des courses, on se contente d’espérer qu’un
jour peut-être les choses changent. Il ne reste qu’à prier pour que le miracle se produise.
Dieu apparaît alors comme le dernier refuge. Mais de quel Dieu s’agit-il ? Est-ce celui du
laxisme, de la lâcheté ou de la fébrilité ? Est-ce celui de l’individualisme, de la peur et de la
soumission?

Aussitôt qu’on pense pouvoir compter sur des africains dignes de mener le noble combat de
la vérité et d’inspirer les troupes, on a vite fait d’être désillusionné. En Afrique, les
intellectuels carriéristes et opportunistes pour des causes personnelles constituent
l’écrasante majorité. Ce sont eux qui tiennent le prêchoir officiel. Ces relais dociles du savoir
livresque ne sont d’aucune utilité pour l’Afrique et ses combats. Ils sont en mission
commandée et travaillent à la distraction du peuple. Ils sont recrutés par l’ennemi pour faire
diversion. Ce sont des intellectuels à gage. Ce sont des leurres. Ils estiment que les poules se
plaignent à tort du loup, et qu’elles sont elles-mêmes responsables de leur condition de
victimes. Ils considèrent que les poules resteront à jamais des poules, telle une fatalité, et
que seule la négociation avec leur prédateur peut les sauver. Ils acceptent l’invitation à la
table du loup pour discuter de comment garantir son accès au poulailler par des méthodes
plus subtiles, mais pour les mêmes conséquences. Ce sont des nègres de maison.

Et la file d’attente de ces simulateurs d’esprits libres est longue, très longue devant la porte
du banquet de la compromission. Mais l’infime partie d’intellectuels résolus au sacrifice pour
la cause du peuple résiste. Ce sont eux qui incarnent l’espoir du continent. Ce sont eux qui
sont combattus par les agents doubles de l’immobilisme. A quand le bout du tunnel ? Qui
délivrera le peuple de ses ennemis visibles et invisibles ? Qui pour combattre les prédateurs
de l’extérieur et les traitres de l’intérieur ?

Théoriciens experts de la pensée inféconde, oui. Hommes de terrain prêts au sacrifice pour
le peuple, non. On dénonce, on vocifère, on invective, on menace. Mais au moment de
passer à l’action, toutes les bonnes intentions vont au répondeur. Panne de réseau. Les
vœux pieux ne sauveront pas l’Afrique. Les riches développements et critiques savantes non
plus. Triste réalité qui se doit d’être impérativement inversée. Nous y travaillons. Les
véritables combattants, actifs ou latents, sont en voie de faire entendre leurs voix.

Restons attentifs.

Paul ELLA

No Comments

Post a Comment