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Le Cameroun, la politique et le peuple

Les spécificités du paysage politique camerounais, le rôle de ses acteurs et le rapport au
peuple s’analysent sous différents prismes, mais appellent une lucidité de tous les instants
pour ne pas perdre de vue les véritables enjeux et ainsi s’orienter vers les solutions adéquates
face aux problématiques de l’heure.

Aux origines

Depuis le discours de la Baule du 20 juin 1990, le Cameroun, comme l’essentiel des autres
pays d’Afrique subsaharienne, va subir la pression sur ton de chantage pour un arrimage aux
désormais standards de la démocratie qui se veut universelle. Cette mouvance continentalisée
se fait dans la foulée de la fin de la guerre froide, matérialisée par la chute du mur de Berlin le
9 novembre 1989 et le démantèlement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques le
26 décembre 1991. Un vent nouveau visait alors à redistribuer les cartes de la géopolitique
planétaire, conformément à la nouvelle configuration conséquente à la fin du monde
bipolaire. Voilà qui marquait le début d’un vaste simulacre qui consoliderait le peuple dans
son illusion de considération à la lumière des valeurs humaines et de promotion des libertés.
C’est ainsi qu’à la différence de certains pays frileux de ce saut dans l’inconnu, le Cameroun
lui, futé sur ce coup, va ouvrir les vannes de création à volonté de partis politiques dont la
prolifération va laisser perplexes plus d’un observateur. Mais l’initiateur en chef de la formule
pour le moins inédite était serein dans sa démarche manifestement préméditée. Mais la
démocratie représentative qu’on nous a vendue comme étant la Ferrari des modèles
politiques a ses tares, et les cas les plus patents de ses atermoiements ne sont pas en Afrique.
Jetez un coup d’œil en Occident et notamment aux Etats-Unis qu’on présente comme une
référence de démocratie. Mais la parodie de démocratie en Afrique a commencé depuis au
moins les indépendances de façade des années 1960. Du moment où l’indépendance a été
confiée à coups de canons et d’intimidations à ceux qui n’avaient pas lutté pour l’obtenir,
l’Afrique faisait ses premiers pas dans la mascarade politique qui continue de plomber toutes
velléités de liberté et d’émergence. Le système colonial devait à tout prix être perpétué, cette
fois avec les transfuges locaux du maître colonisateur. On change de vernis, mais les termites
continuent de vider le bois de son essence.

Entre système perpétué et espoirs perdus

Une soixantaine d’années au pouvoir, c’est la momification d’un système sénile réfractaire à
toute évolution dont l’attente d’un quelconque jaillissement de lumière ne relève plus de la
foi, mais de l’inconscience hypnotique. Le système politique camerounais actuel et ses
éléments fortifiants ne sont que le prolongement statique de celui de la genèse. Cette
presqu’éternité des méthodes confère nécessairement à ses pilotes une maîtrise parfaite des
rouages de l’intrépide machine à broyer tout grain de sable aux intentions d’enrayement.
Plutôt que de s’obstiner à s’opposer au vu du sort réservé aux téméraires, même les plus
farouches pourfendeurs du système ont fini par se rallier. Et la fragilisation du camp adverse
pourtant investi des espoirs du peuple n’a pas connu de pause. Ceux qui n’ont pas jeté les
armes ont supplié à genoux de rejoindre les rangs des flammes, les autres sont, ou trois mètres
sous terre ou en retraite anticipée, usés par des combats sans merci et sans résultats probants.
Il faut dire que l’opposition camerounaise ou ce qu’il en reste a souvent brillé par sa division,
ses tâtonnements et son inconséquence, tels leurs emblèmes. Ce sombre tableau a fini de la
décrédibiliser car, faute de convaincre le peuple de sa capacité à être une alternative sérieuse,
elle a souvent, en désespoir de cause, honteusement fait recours à d’ultimes stratagèmes de
basse facture, confortant le monopole de la scène politique par une association de malfaiteurs
qui foule allègrement aux pieds les intérêts du peuple, et dont les casseroles, interpellations
et autres incarcérations n’émeuvent plus personne.

Que dit le peuple ?

Manifestement, le peuple pour lequel on prétend se battre n’est qu’un prétexte, le dindon
d’une grosse farce, avec le pouvoir en place et l’opposition qui ne se servent de lui que pour
leurs seuls intérêts égoïstes. Même le parlement qui est supposé faire écho de la volonté du
peuple est une scène de théâtre loufoque ou les « élus », quand il arrive qu’ils soient éveillés et
qu’ils comprennent ce qui s’y passe, ne plaident que pour leurs profits personnels. Mais le
peuple reste crédule et tient jalousement à ses illusions. En réalité, que faut-il attendre d’un
peuple dont les 80% ne s’intéressent pas à la politique de leur pays, du moins pour ce qui en
tient lieu ? Comment peut-il en être autrement lorsque les médias camerounais qui sont
supposés éduquer et susciter l’intérêt politique ont fait le choix du divertissement et de la
distraction plutôt que de l’édification ? Les camerounais sont-ils vraiment à plaindre ? Sont-ils
résolus à faire changer la donne ? Quand je vois nos supposés intellectuels vendre leurs âmes
pour des postes prestigieux, écumer les plateaux télé pour pérorer et louanger ou encore
verser dans la rhétorique stérile, je doute. Quand je surprends à des heures tardives nos
virulents journalistes « antisystème » dans les couloirs et salles d’attentes de nos ministres et
directeurs généraux pour percevoir de quoi influencer leurs lignes éditoriales, je sursaute.
Quand j’observe que quasiment chaque camerounais, y compris ceux qui se plaignent du
système, se rue vers son poste radio quelques minutes avant 17h pour espérer entendre le
nom d’un proche fraîchement nommé et bénéficier ainsi de la manne de quelques marchés
publics, je m’interroge. Quand je note avec tristesse que l’adhésion à un parti politique ou le
soutien à un candidat se fonde principalement sur l’appartenance ethnique ou sur une
proximité personnelle quelconque suggérant la préservation de privilèges, je médite. Quand,
à la seule sonorité de mon nom on me prête sans mon avis une appartenance politique, je
m’inquiète. Quand je me rends compte du niveau de méconnaissance et de désintérêt des
camerounais pour leur pays et son histoire, pour l’histoire de l’Afrique et ses valeureux héros,
pour les enjeux géostratégiques internationaux au cœur desquels se joue l’avenir de l’Afrique
et du Cameroun, je pleure. Quand je vois des camerounais davantage captivés par des séries
télé, des matchs de foot, des potins de stars et des discussions de bars plutôt que par le
devenir de leur pays, mon cœur saigne. Enfin, quand j’entends des camerounais soutenir l’idée
d’une intrusion de puissances étrangères dans la gestion des problématiques internes, je suis
en colère. En colère, car perdre de vue que chacune des interventions de l’Occident dans les
affaires africaines s’est toujours soldée par des bains de sang, des occupations et des pillages
interminables, est juste inconcevable. Depuis soixante ans au moins, il n’existe pas une seule
exception à cette règle macabre.

Comment sortir ?

La solution politique au Cameroun, ce n’est ni dans le pouvoir en place qui n’est plus capable
de la moindre créativité, ni dans un hypothétique messie providentiel issu d’une opposition
vacillante qui serait prêt à vendre père et mère pour sa gloire personnelle, encore moins dans
une intervention quelconque d’un pays étranger aux seules intentions de prédation. Le
problème du Cameroun dans sa crise multisectorielle et multifactorielle actuelle est
systémique. La déliquescence de tous les compartiments de notre société est due à
l’immobilisme entretenu par une poignée d’oligarques ploutocrates dont la décadence morale
contagieuse affecte une bonne partie de la population, générant ainsi des frustrations et
tensions diverses, larvées et ouvertes, qui mettent le pays dans une suspicion généralisée.
Tout ceci fragilise dangereusement les équilibres déjà instables, et expose à une implosion
suffisamment latente que les prestidigitateurs internes et externes attisent et appellent de
tous leurs vœux. La solution durable pour notre pays est de fond et non de forme. Elle passe
par la conscientisation des masses. Le point incontournable de départ, c’est l’appropriation
de notre histoire et la considération du Cameroun dans un combat plus global qu’est celui du
retour en dignité du continent, qui lui-même passe par notre réappropriation culturelle, notre
liberté économique et notre autonomisation politique. On ne change pas la production d’un
arbre en taillant ses branches, mais en traitant le mal identifié à sa racine. Dans la même veine,
on n’éteint pas un feu en dissipant sa fumée, mais en s’attaquant à son foyer. Ne nous
trompons pas de combat. Restons vigilants.

Paul ELLA

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