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Du processus de libération des peuples noirs : au-delà de la colère et des symboles

Si les noirs se sont libérés de leurs chaînes visibles, des chaînes invisibles, plus subtiles et
pernicieuses les asservissent encore. Depuis l’Antiquité, des peuples se sont toujours fait
dominer par d’autres, partout dans le monde. L’histoire nous rapporte qu’en leurs temps,
l’Egypte, la Grèce, la Rome antique, l’empire Ottoman, l’empire du Ghana, l’empire du Mali
et toutes les puissantes régions du monde ont imposé leurs cultures, leurs civilisations et
leurs modèles de société aux peuples dominés desquels ils tiraient des privilèges leur
permettant de maintenir et accroître leurs influences. Selon les époques, les peuples
asservis devaient s’assimiler à toutes les habitudes des nouveaux maîtres. Ils devenaient
ainsi des civilisés. Les mêmes pages d’histoire nous apprennent pourtant que, même lorsque
ces dominations ont duré des siècles, elles ont fini par connaître leur déclin, par
essoufflement d’un modèle certes, mais surtout du fait des révoltes, mieux, des révolutions
des opprimés qui, à la force de la détermination, ont souvent fini par se libérer de
l’assujettissement culturel, économique et politique.

La mort de George Floyd le 25 mai 2020 aux Etats-Unis a été perçue comme la goutte de
trop à la suite de la série d’autres noirs tombés sous les balles ou les coups de policiers
blancs souvent restés impunis, remet sur la table avec une certaine acuité, la question
dérangeante des discriminations raciales, non seulement aux Etats-Unis mais dans le monde.
Pour marteler le ras-le-bol de cet acte odieux dont la vidéo a fait le tour du monde, les
indignations se sont faites entendre de façon démonstrative aux quatre coins de la planète.
Il ne s’agissait plus seulement de la mort d’un américain par étouffement sous le genou
d’assassins en uniformes, mais bien d’une cause plus globale, celle des noirs dont les
injustices multiformes ont traversé les siècles sans que rien ne change vraiment dans le fond.
Martin Luther King ne disait-il pas qu’ »une injustice commise quelque part est une menace
pour la justice dans le monde entier » ? C’est ainsi qu’on a entendu des millions de voix
s’élever partout dans le monde et crier en chœur, « enough is enough ». Et si depuis des
siècles que ça dure, les revendications, les slogans, les prises de positions et autres
mouvements de colère avaient montré leurs limites ? Et si on envisageait de repenser la
riposte pour enfin arriver à des solutions durables, et éviter ainsi de recommencer les
mêmes revendications pour les mêmes causes et les mêmes victimes, pour les mêmes effets
insignifiants, encore et encore ? En l’état actuel, il apparaît incontournable de mener des
actions concrètes à plusieurs phases, chacune d’elles devant être implémentée
parallèlement aux niveaux individuel et institutionnel, le tout dans un objectif de résultats
transversaux structurels.

« Ceux qui aiment la paix doivent apprendre à s’organiser aussi efficacement que ceux qui
aiment la guerre » (Martin Luther King).

S’approprier son histoire

La conséquence la plus dévastatrice de l’esclavage et de la colonisation des peuples noirs est
la mutilation de leur histoire. C’est l’origine de tout. Ça explique tout. Un peuple privé de son
histoire n’a aucun repère et est donc à la merci de toute manipulation psychologique et
mentale, ce qui en fait une coquille vide dans laquelle il ne restera plus qu’à installer le
logiciel de l’obéissance. L’aliénation. On érige alors en modèle nos oppresseurs qu’on
assume maîtres de notre destinée, et pour seul objectif de lui ressembler autant que faire se
peut. Sa culture est la nôtre, son mode de pensée aussi, et on s’apprécie et se valorise sous
le prisme du niveau d’assimilation au dictateur de conscience dont on recherche
désespérément et en permanence la reconnaissance. Pour preuve, les seules références de
leur histoire qu’ont la majorité des africains et des noirs en général, c’est l’esclavage et la
colonisation. Normal qu’ils considèrent que c’est un privilège que le maître blanc ait bien
voulu humaniser l’esclave noir en lui faisait l’honneur de l’inviter à la table des civilisés. C’est
de là que vient le complexe tenace qui nous paralyse tant depuis des siècles. Peut-on s’en
défaire ? Mille-fois oui. L’important c’est de commencer. Peu importe le temps qu’il faudra,
il faut démarrer le processus de désinstallation du programme d’avilissement, trop
longtemps opérationnel dans nos cerveaux. Et ça commence par l’éducation. L’appropriation
de l’histoire des noirs, la vraie, pas celle qui a été falsifiée à dessein et qu’on nous enseigne
dans les manuels scolaires. Il faut la chercher, l’apprendre et l’enseigner. Ça commence dans
chaque famille, dans chaque communauté, dans chaque école et partout où cela s’impose.
Mais cette histoire, la vraie, doit également être portée à tous les autres peuples dans le
monde, et prioritairement aux blancs qui ont inévitablement hérité de la pollution mentale
qui veut leur faire croire en l’idée de suprématie d’une race. La déconstruction de cette
utopie doit également les concerner. Moins il y aura des blancs ignorants de certaines
vérités historiques, moins il y aura de racisme. Leur ignorance est en cause. Avec la vraie
version de l’histoire qu’on leur cache, ils sauront par exemple que toutes les puissances
occidentales d’aujourd’hui ont bâti et continuent de bâtir leur prospérité grâce à des terres
et des ressources extorquées et spoliées, toujours au prix de millions de vies humaines et
sans la moindre contrepartie, qu’il s’agisse des Etats-Unis, de la France, de la Grande
Bretagne, de la Belgique ou des autres. Profitez aussi pour leur parler de l’antériorité de la
race noire, dépositaire par conséquent de la plus vieille civilisation du monde, de la
connaissance et de la sagesse de l’Egypte antique dont se sont inspirées non sans malice les
« savants » occidentaux, de l’extrême richesse des empires tels que celui du Ghana ou du
Mali, des siècles avant l’esclavage, de l’invention de la lampe à incandescence par Lewis
Howard Latimer en 1881, de l’invention du système d’ouverture des ascenseurs par
Alexander Miles en 1867,de celle de l’air conditionné en1949 par Frederick Jones, tous afroaméricains, et bien d’autres pertinences historiques que l’establishment mondial a choisi de
passer sous silence. Tel est le devoir de chacun d’entre nous.

« Un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture, ressemble à un
arbre sans racines. » (Marcus Garvey).

Faire du combat une action homogène et transversale dans le monde

« Black LivesMatter » aux Etats-Unis, « Justice pour ADAMA » en France, « Marre de la
Françafrique » dans les pays d’Afrique subsaharienne francophone, « Non au
néocolonialisme » en Afrique, « Stop social discriminations » en Afrique du Sud ou encore
« Fin de la vie chère » et « Besoin d’eau potable » dans les Antilles. Que de voix dispersées
pour de nobles combats, avec pour conséquence la dilution d’impact des cris d’un même
peuple que l’obsession de lucre d’un autre a réussi à diviser.

Après toutes ces décennies d’indignations et de gémissements sans résultats probants, il
devient impératif de songer à unir tous les ressortissants d’Afrique autour d’un seul et même
combat, en tenant compte des variantes selon les réalités géographiques. Non, ce n’est pas
utopique. Aucun peuple noir dans le monde ne sera jamais respecté tant que l’Afrique ne le
sera pas. Ce préalable me paraît d’un bon sens irréfutable. Comment vous respectera-t-on
quand on sait que votre terre d’origine est minée par tous les maux de la société, réels et
supposés ? Comment vous défaire des préjugés raciaux, quel que soit votre statut social, s’il
est officiel que vous êtes originaire d’un continent qui inspire la pitié et d’où des milliers de
ressortissants essaient de fuir chaque année pour un Occident rêvé ? Comment pourrezvous vous distancier des diffusions persistantes des médias occidentaux qui ne présentent
l’Afrique que sous le prisme de la misère ? Que vous soyez américains de nationalité ou
africains vivant aux Etats-Unis, que vous soyez cadre ou chômeur au Canada, en France, en
Asie, en Australie, au Maghreb ou partout ailleurs dans le monde, si vous êtes noirs, jamais
vous ne pourrez vous défaire de l’image que l’Afrique renvoie au monde. Et la façon dont les
gens vont vous traiter tout au long de votre vie en tiendra inévitablement compte. Personne
ne peut y échapper. Si l’Afrique inspire de la pitié, vous inspirez de la pitié. Si l’Afrique est
méprisée, vous êtes méprisé. Peu importe votre condition sociale et l’endroit du monde où
vous vous trouvez. Ces considérations dégradantes seront parfois explicites, et très souvent
implicites. Cette réalité a trop longtemps été éludée. Il est plus que temps de s’en rendre
compte. Aujourd’hui, plus que jamais, si nous voulons résolument amorcer le processus de
déconstruction des mentalités rétrogrades à l’endroit des noirs dans le monde, ça passera
par cette considération essentielle d’unité dans le combat, avec pour référence de base la
problématique de l’Afrique. Aucun combat éparse pour des raisons de spécificités
contextuelles et géographiques ne sera efficace tant que ses origines historiques ne seront
pas prises en compte pour fédérer les concernés.

Observons le peuple juif. Bien que victimes de stigmatisations à travers le monde depuis des
siècles, il n’est pas moins craint et respecté. Attaquez-vous publiquement aux juifs et
revenez qu’on en parle. Alors que les victimes de la shoah et leurs descendants perçoivent
des indemnités et autres compensations (plus de 75 milliards d’euros depuis 1949), les noirs
continuent d’attendre d’hypothétiques réparations des crimes contre l’humanité que sont
l’esclavage et la colonisation, depuis la promesse d’Abraham Lincoln en 1865. Le respect ne
se quémande pas, il s’impose. Pendant trop longtemps, les noirs ont demandé à ce qu’on les
considère. On a même entendu dire « nous aussi, nous sommes humains », comme s’il
s’agissait de supplier qu’on nous autorise enfin à être ce dont nous sommes pourtant le
berceau. Les juifs comme les noirs, pour des raisons différentes, se sont retrouvés dispersés
à travers le monde au cours des siècles, mais à la différence que les premiers ont
jalousement entretenu leur histoire qu’ils transmettent systématiquement d’une génération
à l’autre, ce qui garantit la pérennisation d’une culture plusieurs fois millénaire qui constitue
un véritable socle pour leur peuple, où qu’il se trouve. On vous parlera de leur puissance
économique à travers le monde qui justifierait leur influence dans toutes les sphères
décisionnelles où qu’ils se trouvent, et c’est un fait. Mais aucune domination politique,
culturelle, économique et même spirituelle n’est possible sans l’unité d’un peuple autour de
causes communes. L’unité est la clé du respect, comme la division est celle du mépris.

« Il n’y a pas de révolution où on supplie le système qui nous exploite de nous intégrer »
(Malcolm X).

Dans l’autre sens, l’Afrique ne sera jamais forte tant que ses ressortissants, où qu’ils soient
et quelle que soient les causes et la période d’émigration, récentes ou ancestrales,
considèreront que les questions du continent ne les concernent pas. C’est une grave
méprise. Si les noirs, une fois qu’ils se réapproprient leur histoire, se rendent compte de
l’urgence de se montrer unis à la face du monde, alors, une vraie révolution est en marche.
Dans la pratique, cela peut prendre plusieurs formes, mais l’important dans l’immédiat est
de faire cheminer l’idée et l’adopter. L’indifférence des noirs américains, des antillais ou des
africains installés à l’étranger est destructrice pour notre image collective et fragilise chacun
de nos combats. Il est aberrant de se rendre compte que certains noirs antillais se
considèrent comme supérieurs aux noirs d’Afrique comme si le temps passé plus près de son
maître faisait de lui un esclave supérieur. Absurde. Ou encore, le noir américain qui a le
même regard péjoratif et les mêmes préjugés dégradants que ses compatriotes blancs vis-àvis des africains. Grotesque. Comment peut-on s’attendre à être respecté si ceux chez qui on
quémande le respect observent qu’on se discrimine entre nous sur inspiration des
suprémacistes blancs ? Que dire enfin de l’africain parti en Occident il y a seulement
quelques années, et qui s’empresse d’afficher sa distance à sa propre culture et à sa réalité
africaine pour prouver à sa terre d’accueil son assimilation complète et rapide aux dogmes
culturels étrangers ? Affligeant.

« On ne peut penser à être acceptable aux yeux des autres avant de l’être pour nousmêmes » (Malcolm X).

Au-delà des indignations et des slogans

Les noirs prient probablement plus qu’aucun autre peuple, pourtant ils restent le peuple le
moins uni et par conséquent le moins respecté. Là encore, il s’agit d’un héritage des
oppresseurs qui, au-delà des religions imposées par les pires méthodes, prônent
l’assimilation de l’incapacité du noir à s’accomplir par lui-même. L’idée tenace de la
nécessité d’être assisté rend pervers le rapport à Dieu tel que les maîtres d’antan nous l’ont
façonné. Quel que soit ce que vous subissez, vous ne pourrez rien de vous-mêmes, si ce n’est
par la seule volonté d’une force suprême compatissante qui vous aurait elle-même
condamné à l’infériorité, et de laquelle vous devez attendre avec patience qu’elle agisse en
son temps. Résultat des courses, on nous frappe sur la joue droite, et on tend l’autre joue.
Mais on l’a tellement bien absorbé qu’on n’a pas fait que tendre la deuxième joue, on leur a
soumis nos corps, nos esprits et nos âmes. A telle enseigne que, quelle que soit la colère ou
la violence des noirs en guise de riposte aux injustices subies, nos bourreaux n’y voient qu’un
souvenir lointain mais encore trop présent de petites révoltes passagères d’assimilés
échaudés qui reviendront vite à la raison du plus brutal. Le drame c’est que, depuis des
siècles, la suite leur donne toujours raison. Du coup, on se contente de slogans, de
jérémiades, de colères passagères et de promesses de justice divine, comme si le dieu qu’ils
ont fait à leur image et qu’ils nous ont imposé risquait de les abandonner. La preuve, après
les émeutes, les colères, les slogans et autres mouvements d’humeur, tout redevient
toujours comme avant. Tout finit toujours par rentrer dans l’ordre. Leur ordre. Depuis trop
longtemps.

« L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son
sort » (Thomas Sankara).

Mais que faire ? Mieux qu’une révolte, nous avons besoin d’une révolution, celle qui
transforme la pensée collective africaine en la décolonisant. Si l’on a compris qu’il est
impératif comme préalable de s’approprier son histoire en tant que peuple, et de
reconsidérer l’approche de lutte en remédiant aux divisions internes pour mener des actions
communes dans l’intérêt de toutes les parties prenantes, alors, il est possible d’envisager
une voie de sortie. Dans les lignes qui suivent, il ne s’agit pas de l’exposition d’une stratégie,
mais des axes d’actions concrètes sous réserve d’une opérationnalisation spécifique selon
les contextes, les objectifs et les environnements, dans le cadre d’une cause commune
globale.

Sur le plan économique

L’économie est la clé du pouvoir qui impose le respect. Quand vous entrez dans un magasin
de luxe, ce n’est pas votre couleur de peau qui inspire respect ou mépris, mais la puissance
de votre compte en banque. Mais la puissance individuelle dans le combat de libération d’un
peuple ne signifie pas grand-chose. L’impact sera d’autant plus grand que le pouvoir
économique des communautés noires sera important. Pour cela, il existe des axes à
envisager, aussi bien à titre individuel que collectif.

A titre individuel, au-delà des plaintes et des slogans, que faisons-nous au quotidien pour
contribuer à la liberté économique de nos pays et de nos communautés ? Nous pourrions
déjà commencer par consommer local. A qualité égale, les africains doivent privilégier les
produits et les commerces locaux pour tous types d’achat. Où prenons-nous notre
carburant ? Où achetons-nous nos vêtements ? Dans quelles banques déposons-nous notre
argent ? Où assurons-nous nos voitures ? A la fin des années 2010, il s’est créé aux EtatsUnis un mouvement appelé « Buying Black », et qui consiste à privilégier le commerce entre
personnes noires. Les premiers résultats sont étonnants, avec une baisse des revenus des
commerces des autres communautés au profit de la Communauté noire, et ça, c’est un
excellent début. Par la pression économique on peut obtenir des miracles.

Nos vies de tous les jours sont exposées en permanence à la pollution culturelle qu’on nous
impose. Les chaînes de télé, les radios, les journaux et tous les médias sont orientés et
financés pour asservir les masses par la propagande en faveur des groupes dominants. A
titre individuel, c’est encore à nous de choisir ce qu’on visionne, ce qu’on lit et ce qu’on
écoute. Informons-nous par des médias africains militants ou internationaux indépendants
et recherchons d’autres sons de cloches que ceux des canaux conventionnels porteurs de la
propagande des ennemis de notre liberté.

Commençons par mettre à profit notre argent dans le combat économique. A titre
individuel, cela ne nécessite pas d’être une icône des droits de l’homme, un activiste, un
politique, un journaliste ou un leader d’opinion. Personne ne peut vous empêcher d’acheter
où vous voulez pour les causes que vous défendez. Alors, dégainez vos portefeuilles comme
une arme de destruction des stéréotypes et joignez-vous aux millions d’autres noirs dans le
monde pour gagner la bataille économique pour la dignité. Voilà ce qu’on appelle un acte
militant efficace.

A l’échelle d’un pays, le combat économique est moins dépendant des individus, mais de
ceux qui nous gouvernent. S’ils ont la latitude de prendre des décisions dans leurs seuls
intérêts personnels au détriment de leurs populations et donc de la cause noire, chacun de
nous a le pouvoir de se mobiliser et de sensibiliser pour sanctionner les candidats aux
velléités de soumission néocoloniale si préjudiciable à nos pays africains. Plaçons comme
critère primordial et non négociable les aspirations à l’indépendance intellectuelle, culturelle
économique et politique chez tout candidat à un mandat électif. En tant que peuple africain,
décidons à ne plus donner la moindre chance à aucun valet des puissances étrangères,
quelles qu’elles soient, européennes, américaines ou chinoises. L’accession à la magistrature
suprême de véritables africains patriotes permettra ainsi, à un niveau étatique, de remettre
en cause tous les accords économiques criminels passés avec l’Afrique dont certains datent
de l’époque coloniale, de reconsidérer les termes de l’échange depuis toujours aux seuls
avantages des puissances étrangères, ce qui a pour dramatique conséquence de
déséquilibrer nos balances commerciales de façon structurelle, de repenser nos modèles
économiques par nous-mêmes conformément à nos réalités démographiques, culturelles et
historiques. En somme, des dirigeants qui ne seront pas en mission commandées pour le
compte de leurs maîtres.

Sur le plan culturel

Ici encore, il y a du chemin, tant le niveau d’aliénation est affligeant. Nous devons
impérativement, à titre individuel d’abord, veiller à nous réapproprier nos cultures locales,
ensuite à les transmettre aux générations futures. Il y a une telle urgence à renaître de nos
cendres mentales par la culture. Commençons déjà par donner des prénoms locaux à nos
enfants. Mélanie, Britney, Bryan, Christian, Joseph ou Marlon n’ont aucune référence à
l’Afrique et sont le début d’une malformation culturelle. La culture n’est pas innée, elle
s’acquiert. Mais une fois acquise, il devient difficile de s’en défaire.

Au niveau du pouvoir décisionnel des différents pays et communautés, il faut débaptiser
toutes nos rues aux noms importés et usurpateurs, et détruire toutes ces statues de colons
et esclavagistes qui encombrent nos espaces publics, et dont on nous a dit dans les livres
d’histoire qu’ils étaient des héros. Non, pas pour nous. Ces prétendus héros étaient nos
bourreaux. Aucun oppresseur ne doit plus avoir ce privilège qui est une insulte à la mémoire
de ceux qui se sont battus et ont laissé leurs vies dans le combat pour la liberté. Et un peu
partout dans le monde, parce que la notion de justice est universelle, le mouvement est
lancé avec la destruction de statues de l’ancien colon Victor Schœlcher en Martinique, celle
d’Edward Colston à Bristol en Angleterre et d’autres symboles racistes tristement célèbres
comme en Virginie et en Caroline du Nord, mais aussi en Belgique avec des statues de
l’ancien roi belge Léopold II qui ont été déboulonnées après avoir été vandalisées. Léopold II
est en effet connu pour ses crimes coloniaux massifs, notamment au Congo. Toutes ces
actions suggèrent un ras-le-bol généralisé des systèmes dominants qui nous asphyxient, et il
serait sage pour ceux qui les protègent de prendre conscience du temps qu’il fait.

Le devoir de mémoire est essentiel dans la reconstruction de notre culture, et doit être
institutionnalisé partout en Afrique et ailleurs où vivent des communautés noires. Non pas
dans une attitude de victimisation des noirs ou de stigmatisation des descendants
d’esclavagistes et de colons mais dans le but de garder allumée cette flamme sans laquelle
nous ne pourrons éclairer notre chemin vers l’éveil.

Repensons nos systèmes éducatifs. Encourageons les auteurs africains et noirs qui se
mettront au service de la reconstruction des mentalités par la restauration de la vérité
historique de l’Afrique, car comme le dit un vieil adage africain, « Tant que les lions n’auront
pas leurs propres historiens, les histoires de chasse seront toujours à la gloire du chasseur».
Incitons à la création en grand nombre, de sources d’informations éducatives telles que les
chaines de télévision et radios, des journaux et des sites internet au service de la vérité
historique et culturelle des africains. Suscitons la création d’écoles, de collèges, lycées et
universités qui prôneront les valeurs de l’Afrique et délivreront les enseignements
conformes aux vérités historiques depuis trop longtemps falsifiées. Abreuvons-nous à la
source de la littérature des icônes africaines et faisons connaître le plus possible nos héros à
nos enfants. En lieu et place des De Gaulle, Eisenhower, Churchill, Mao Tse Toung,
Christophe Colomb ou Voltaire, servons-leurs du Cheick Anta Diop, Soundjiata Keita, Patrice
Eméry Lumumba, Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Marcus Garvey, Um
Nyobè, Osende Afana, Rosa Parks, Martin Luther King, Malcolm X, Modibo Keita, sylvanus
Olympio ou Sékou Touré.

Les gouvernements d’Afrique, pour ceux qui commenceront à s’affranchir des schémas
imposés par leurs mentors occidentaux, doivent commencer à retirer de nos écoles tous les
enseignements pervers qui dépouillent l’Afrique de sa substance culturelle pour les
remplacer par des livres qui reflèteront l’éducation que nous aurons choisi de donner à nos
enfants. Les ministères en charge de l’éducation et de la culture doivent créer ou réorganiser
leurs centres culturels pour qu’ils soient véritablement des vecteurs de connaissances et de
valorisations culturelles. Une refonte de nos systèmes académiques en Afrique est
indispensable à la renaissance africaine.

Le rapatriement de nos objets d’art volés et confisqués dans des musées en Europe et
ailleurs dans le monde doit être effectif et dans un timing qui sera le nôtre et non celui de
leurs ravisseurs comme c’est actuellement le cas. Pendant la période coloniale, en effet, des
trésors historiques et culturels africains ont été dérobés par les envahisseurs. En les
rapatriant, nous pourrons ainsi développer nos musées qui raconteront notre histoire, et
procéder à l’introduction dans les programmes scolaires de visites des sites historiques qui
parlent d’Afrique de façon empirique.

Arrêtons de nous contenter d’attitudes folkloriques telles que le port du tissu pagne dont
l’origine africaine qu’on lui prête est plus que douteuse, de bijoux africains ou l’affichage de
slogans éculés du type « I’m black and proud », « Too black too strong », « Noir et fier »,
« Black is Black » et j’en passe. Ces attitudes nous endorment en nous donnant l’illusion que
nous sommes engagés pourtant il n’en est rien. Posons des actes qui font réellement bouger
les lignes. Engageons la révolution d’un retour aux valeurs culturelles de nos ancêtres.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, la monnaie constitue une arme puissante d’asservissement ou de
liberté. La politique monétaire et la politique budgétaire sont les deux bras indissociables
d’une véritable souveraineté économique. Or, la plupart des pays africains, notamment les
anciennes colonies françaises, ne disposent pas du levier de la monnaie, contrôlé par la
France et son Trésor Public. Il apparaît alors impératif pour une véritable indépendance
économique, de nous affranchir du joug des anciennes puissances coloniales par l’adoption
de notre propre monnaie, de préférence commune à plusieurs pays d’Afrique pour faire face
aux devises des puissances économiques.

Au niveau des relations internationales, imposer à tous les pays occidentaux l’application du
principe de la réciprocité diplomatique qui consiste à appliquer de part et d’autres, des
pratiques similaires en guise de rapports d’égal à égal entre pays. A titre d’illustration, il est
inacceptable que les occidentaux puissent débarquer en Afrique à leur guise et sans filtre,
tandis que l’obtention d’un visa pour l’Occident qui se sert allègrement en Afrique constitue
la croix et la bannière pour les africains. Ce rapport déséquilibré que nos dirigeants
cautionnent encore est une expression suprême du mépris à l’endroit de l’Afrique.

Développons une vraie coopération sud-sud, rejetons les accords de partenariats viciés
contre nos peuples, exigeons dans nos contrats internationaux le transfert de technologie
systématique et des quotas d’employabilités de nos ressources humaines locales, formons
en masse dans les domaines de compétences qu’exigent notre structure économique et
dans lesquels les expertises sont rares et encore importées, définissons un plan de sortie
véritable du franc CFA sans accepter la mascarade d’un simple changement de forme,
mettons en place des systèmes de santé fiables aux plateaux techniques performants pour
que les africains puissent se soigner chez eux et nos médecins exercer dans leurs pays plutôt
que d’expatrier leurs compétences, repensons les missions et le fonctionnement de l’Union
Africaine qui reste beaucoup trop dépendante de l’influence occidentale et qui, de fait, ne
parvient pas à assumer ses missions de façon indépendante et donc efficiente, mettons sur
pied des industries en commençant par la résolution des problèmes de production et de
fourniture d’énergie électrique pour arrêter de brader nos matières premières sans le
moindre début de transformation, mettons sur pied en Afrique la notion de mérite et non de
faveurs subjectives, mettons l’accent sur le développement et le soutien financier aux PME
qui constituent en Afrique plus de 80% du tissu économique mais qui sont pourtant
cruellement délaissées quand il s’agit de bénéficier des financements et de l’attribution des
marchés, encourageons la création de banques à capitaux africains, accélérons les pistes de
solutions de réintégration des africains installés à l’étranger pour une meilleure synergie de
toutes nos ressources humaines, mettons sur pied des politiques de diversification de
ressources locales pour ne pas rester prisonniers des énergies fossiles comme c’est le cas
pour plusieurs de nos pays, défaisons-nous progressivement des structures internationales
qui nous dictent leur loi et nous asphyxient économiquement, définissons et implémentons
nos propres modèles de développement plutôt que ceux imposés de l’extérieur etc. La liste
n’est pas exhaustive. Un peuple noir, fort à travers le monde, passe par une Afrique forte, et
une Afrique forte sera constituée de dirigeants courageux qui mettront sur pied des
politiques solides en faveur de leurs peuples.

Obstacles et résolutions

Mais la tâche est loin d’être simple. Les opposants à un tel manifeste surgiront de toutes
parts, mais les plus agressifs pourraient bien être les noirs et les africains eux-mêmes. A
l’observation, les noirs sont atteints du syndrome de Stokholm qui consiste pour des
prisonniers, à tomber en sympathie ou en admiration pour leurs geôliers au point de
prendre leur défense. Certains ont une assimilation trop profonde aux « valeurs » de nos
bourreaux et préfèrent ne pas faire l’effort d’en sortir. D’autres trouveront qu’il n’y a pas de
mal à ce que les choses restent en l’état, puisque, pour eux, ce n’est pas si grave qu’on le
clame et quand bien-même ça le serait, les choses finissent toujours par s’arranger d’ellesmêmes. Enfin, d’autres, par sympathie pour ceux qui s’engagent dans un tel combat,
estiment que c’est trop dangereux de s’attaquer à ce système mondial si puissant et qu’il
faudrait attendre que les noirs soient tous d’accord pour se lever comme un seul homme et
engager une grande révolution. Le piège est là, justement. Ne rien faire serait coupable, tout
comme attendre sagement cet hypothétique bon moment. Il faut au contraire se lever et
agir. Tout démarre quelque part. Si nous nous contentons de commenter l’actualité, alors,
arrêtons de nous plaindre et regardons l’histoire s’écrire sous nos yeux. Pour la libération
des peuples noirs, nous avons besoin de partenaires de lutte prêts au sacrifice pour une
cause supérieure à leurs vies. Arrêtons les jérémiades, arrêtons les émotions, passons à
l’action. Et c’est maintenant.

« Nos vies commencent à finir le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui
comptent » (Martin Luther King).

Paul ELLA

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