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Diaspora camerounaise – quel impact économique réel

Environ 5 millions de camerounais vivent à l’étranger pour près de 30 millions d’âmes sur le
triangle national d’une superficie de 475 442 km², d’un PIB par habitant de 1730 dollars US
en 2022 pour une croissance annuelle de 3,4%. Pour un pays qui se veut émergent d’ici
2035, dans la mobilisation requise de toutes les énergies, quelle est la part de notre diaspora
dans la dynamisation de notre tissu économique ?

Relations entre diasporas africaines et pays d’origine

Souvent perçues comme des pourvoyeurs providentiels par leurs familles restées au pays,
nos diasporas et leurs rapports avec le continent se résument essentiellement à leurs
réactions aux sollicitations locales diverses, dans le cadre d’interventions pour la résolution
de problèmes de scolarité, de santé, de réalisation de projets ou de contribution à des
évènements heureux ou malheureux. Il en résulte alors des flux financiers importants.
D’ailleurs les allusions aux contributions de l’économie des diasporas africaines se réduisent
souvent à leurs transactions financières vers leurs pays d’origine. Plus de 40 milliards d’euros
de transferts de fonds chaque année vers la seule Afrique subsaharienne d’après la Banque
Mondiale, dont 10 milliards d’euros en provenance de la France seulement, destination
privilégiée pour nombre d’africains, notamment d’Afrique dite « francophone ». Pour certains
pays du continent, les volumes d’envois sur une année frôlent les 10% du PIB. Pour le cas du
Cameroun, c’est environ 185 milliards de francs CFA qui sont arrivés de l’étranger pour
l’année 2017. Des chiffres astronomiques donc, qui donnent à réfléchir sur l’impact réel de
ces mouvements d’argent vers l’Afrique, tant ils suscitent une variété d’interprétations.

Un impact économique à relativiser

A l’observation, l’enchantement sur l’importance et l’impact des volumes des transferts de
fonds vers le Cameroun n’est pas aussi justifié qu’on veut le laisser croire. Si l’utilité pour les
destinataires privés n’est plus à démontrer, d’un point de vue macroéconomique par contre,
la portée est plutôt négligeable. En effet, le caractère diffus des envois d’argent,
principalement destinés à la consommation éparse des ménages et sans canalisation
structurée et structurelle, dilue fortement l’impact sur la croissance économique du pays. En
réalité, il est plus indiqué d’apprécier chaque apport par une méthode comparée sur la base
de valeurs relatives plus significatives. Prenons le cas du Ghana, qui a une structure
économique sectorielle similaire à celle du Cameroun. Le PIB du Ghana en parité du pouvoir
d’achat était de 2 202,31 USD en 2018 contre 1 533,74 USD pour le Cameroun sur la même
année, avec un taux de croissance de 6,3% pour le Ghana, soit 2,2 points de plus que le
Cameroun. Une nette différence de dynamisme économique donc. Signalons aussi que les
deux pays appartiennent à la même catégorie, celle dite de revenus intermédiaires de
tranche inférieure, selon le classement Banque Mondiale de 2019 et que le Cameroun
représente le double du Ghana en termes de superficie. Seulement, le volume des flux
financiers annuels vers le Ghana en provenance de sa diaspora s’est élevé pour l’année 2017
à un peu plus de 2 000 milliards de nos francs, soit plus de 10 fois le montant transférés par
la diaspora camerounaise la même année, pour des coûts de transaction moyens de 8%
communs aux deux pays, et pour une estimation de population des deux diasporas
quasiment identique. Avec une représentation moyenne de 10% du PIB dans les pays de
l’Afrique de l’Ouest, les contributions diasporiques du Cameroun font pâle figure, avec
seulement 0,9% du PIB. Ce relatif faible niveau de contribution s’apprécie également au
travers de la part de l’épargne que les membres de notre diaspora consacre aux
mouvements d’argent vers le Cameroun, soit largement moins de 15% que représente la
moyenne sur le continent, le reste étant consommé ou investi dans le pays d’accueil. De
façon comparée donc, avec deux économies aux potentiels similaires, et même à l’avantage
du Cameroun à plusieurs égards, on se rend compte, d’une part, de l’importance des
volumes de transferts de fonds à relativiser pour le Cameroun, et du faible impact
économique de ces apports en provenance de notre diaspora.

Des pistes de réajustements à explorer

Le faible impact de notre diaspora sur l’économie du pays est dû principalement à deux
facteurs : la faible mobilisation des ressources à destination du pays qui pourrait s’expliquer
en partie par le peu d’intérêt d’un certain nombre de camerounais à l’étranger dans
l’implication aux affaires de leur pays pour des raisons diverses, mais aussi par le manque
d’organisation et de canalisation des fonds transmis. Quelques soient leurs volumes, des
fonds ponctuels et désorientés à des fins de consommation privée ne peuvent avoir aucun
impact significatif durable sur l’économie d’un pays, en dehors de l’accroissement éphémère
du pouvoir d’achat des bénéficiaires. Pour tirer profit au maximum des contributions de la
diaspora à une échelle macroéconomique, les camerounais de l’étranger qui ont un réel
attachement à leur pays doivent être mieux organisés en même temps que le
Gouvernement doit créer des mesures concrètes d’incitation à la canalisation des fonds
transférés vers des investissements à fort potentiel de croissance. Pour revenir à notre
exemple comparé, le Gouvernement ghanéen a annoncé en 2019 la création du Diasporan
Savings and Investment Account, une structure financière qui sera supervisée par la Banque
du Ghana et le Ministère des Finances, et qui collectera les fonds en provenance de la
diaspora ghanéenne pour financer en priorité les infrastructures, l’agriculture et le tourisme.
Voilà un modèle d’orientation des fonds qui peut servir d’incitateur à une diaspora qui
s’investira davantage, compte tenu de la destination spécifique des fonds destinés à être
investis dans des projets économiques identifiés. La diaspora camerounaise et notre
Gouvernement devraient s’inspirer de telles initiatives. Aussi, au-delà des actions en relation
avec les transferts des fonds, il serait louable d’engager des réflexions concertées pour des
actions concrètes telles que la création de fonds d’investissement camerounais, la prise de
participations dans le capital des PME locales par les membres de la diaspora pour stimuler
l’économie à la base, la création d’usines de transformation pour booster le secteur
industriel et sortir de l’économie de rente, le financement d’infrastructures de santé,
d’éducation et de tourisme, la contribution aux transferts de technologies etc. Sous réserve
d’une véritable capacité de mobilisation ainsi que de solutions tangibles aux effets
mesurables à l’échelle d’un pays, l’influence suggérée de la diaspora camerounaise aux
destinées du pays est davantage fantasmée que réelle. Ainsi, à défaut de rentrer au pays
pour contribuer à le bâtir, la diaspora de notre triangle national disposera d’outils variés
pour impacter de façon significative le développement économique du Cameroun, et pas
qu’à travers le transfert des fonds destinés à la consommation ponctuelle de nos familles.

Paul ELLA

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