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Bars et églises – véritables gages de paix au Cameroun

Dans leur gestion du pays, les autorités camerounaises, depuis au moins une trentaine
d’années, ont fait des bars et églises des alliés incontournables. Un véritable modèle de
maintien de la « paix » par entités interposées, avec garantie de l’effet soporifique
recherché.

Entre bières et prières

Bars et églises sont incontestablement deux des activités les plus prolifiques au Cameroun.
On les comptes par milliers et les rencontre à tous les coins de rues. Au mépris des
dispositions légales qui prescrivent des distances minimales entre ces entités. Avec la
complaisance et la bénédiction des autorités. Une bible dans une main, une bière dans
l’autre. Voilà une image qui reflète assez fidèlement la moyenne des camerounais. Bière et
prière sont pour la classe dirigeante camerounaise des instruments de prédilection du
conditionnement psychologique des populations. De vraies armes de distraction massive. Et
les camerounais y adhèrent en masse. Si vous cherchez un camerounais à ses heures creuses
et qu’il n’est ni dans un bar ni dans une église, vous pouvez légitimement remettre en
question sa nationalité. Et cette réalité se perçoit aisément dans les habitudes langagières :
« Tu dis que tu es mon ami, alors que tu ne m’as jamais donné une bière » ; « On avait des
problèmes, mais on a fini par faire la paix autour d’une bière », « Retrouvons-nous un de ces
quatre pour prendre une », « Boss, il n’y a pas une bière pour moi ?». Et même pour codifier
le langage de la corruption endémique, on dit : « Pour qu’il traite vite ton dossier, il faut lui
laisser une bière ». Pour le fait religieux, le rituel d’expression est similaire : « Dieu est au
contrôle » ; « Le Seigneur est merveilleux » ; « Ça ira, par la grâce de Dieu » ; « Il faut prier,
Dieu va t’aider ».

Face à leurs préoccupations quotidiennes, les camerounais ont besoin de s’évader. En
parfaite connaissance de leur peuple, les dirigeants leurs servent des solutions
psychédéliques à volonté, et quoi de mieux que l’alcool et l’espérance ? Et ça fonctionne !
Coupures intempestives d’électricité, pénuries d’eau potable, chômage chronique, inflation
des prix des produits de première nécessité, licenciements abusifs, détournements de
deniers publics, escroqueries policières, corruption des agents du fisc, insalubrité de nos
villes, services approximatifs dans les structures sanitaires, nonchalance administrative,
démission du service public etc. Il y aura toujours une bière ou une prière pour nous faire
digérer notre misère. Même dans le quotidien des familles, les principaux problèmes de
couples tournent autour de l’alcool ou de la foi. Les hommes étant les plus fidèles au liquide
et les femmes les plus enclines aux sirènes du miracle. Il est alors fréquent de voir des
couples au bord de la rupture, soit parce que le mari déserte la maison pour les temples de
Bacchus, soit parce qu’il est à deux doigts de répudier sa femme pour excès de nuits de
prières sur convocations inopinées de « l’homme de Dieu ». Dans les deux cas, ce sont les
enfants des couples qui paient le prix fort de ces passions à la fois débordantes et
discordantes. Mais au-delà des dégâts internes aux ménages, les dirigeants se délectent de
ces deux réalités organisées et entretenues qui matent pour eux des insurrections latentes
par anticipation. Quoi de plus salutaire pour un gouvernement que les effets de distraction
et de diversion sur le peuple. « Le Prince » de Machiavel offre des enseignements pratiques
dans ce sens. En effet, un peuple lucide est un peuple dangereux pour ses dirigeants. Un
peuple concentré est au fait de sa condition et des manipulations dont il est victime. Un
peuple vigilant est une bombe à retardement pour un gouvernement désinvolte. Face à un
peuple averti et déterminé, aucune armée ne peut résister. Alors, de tous temps, les
autorités ont contre le peuple une arme fatale : la distraction. Et l’alcool et la crédulité sont
des somnifères puissants qu’ils administrent en vrac et à volonté. Pour renforcer ce dispositif
de déconcentration des masses, les gouvernants multiplient les sources d’endormissement
des esprits, avec d’autres anesthésiants tels que les jeux de hasard, les séries télé insipides
et télé-réalité abrutissantes qui vendent des rêves venus d’ailleurs, les matchs de football et
bien d’autres. Et ça fonctionne à merveille !

Buvez et priez, sur hautes instructions

Troisième consommateur africain de champagnes et plusieurs fois leader africain en chiffres
d’affaires du groupe Castel, prolifération d’églises aux dénominations aussi singulières que
suspectes, référence en Afrique dans l’activité de prière, avec des vocations de pasteurs,
prêtres, exorcistes, apôtres et autres prophètes dont la démultiplication fait du pays de Um
Nyobè un exportateur privilégié d’experts de la foi, le Cameroun se démarque de façon bien
singulière. Au Cameroun, les procédures d’ouverture des bars et églises ne souffrent d’aucun
obstacle majeur. C’est à peine si les autorités ne font pas la promotion de ces deux activités.
Je vous mets au défi de trouver au Cameroun un logement qui ne soit pas à proximité d’un
bar ou d’une église. Et vos plaintes pour nuisances sonores, y compris nocturnes, n’y feront
rien. Ces structures sont inconsciemment au service d’une stratégie bien huilée. Des gages
de paix et de sérénité au sommet de l’Etat. Si vous ne priez pas, buvez. Si vous ne buvez pas,
priez. Si vous faites les deux, c’est encore mieux. Dans les deux cas, vous avez un refuge.
Dans les deux cas, vous ne risquez pas de nuire à l’establishment. Dans les deux cas, vous
êtes un bon citoyen. Vous continuerez de vous faire abuser, les yeux fermés et la gueule
saoulée. Quoiqu’il en soit, les dirigeants camerounais s’attèlent à ce que les temples de la foi
et les temples de la joie recrutent en permanence et soient toujours bien fréquentés. Afin
que les camerounais soient toujours ivres, ou de bières, ou de prières. Jusqu’ici, ils ont pleine
satisfaction, et leurs discours fétiches sur leur très éloquent bilan de paix dont eux seuls ont
le secret nous seront encore récités pour longtemps. Que l’onction de la bouteille soit avec
vous !

Paul ELLA.

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