D’après le dictionnaire Robert, la distraction, c’est un détournement, un manque d’attention momentané ou habituel aux choses dont on devrait normalement s’occuper, l’esprit étant absorbé par un autre objet. Et ban!

Normalement, je pourrais arrêter mon article ici, en considérant que cette définition à elle seule résume son objet.

Mais à qui profite donc la distraction ? A celui ou celle qui se distrait me direz-vous ? Mais à qui la distraction des masses profite-t-elle? Je vous réponds à ceux qui n’ont pas intérêt à avoir des peuples lucides. Devinette facile, quand on sait que la chose la plus redoutée par les détenteurs de privilèges spéciaux c’est la révolte des peuples, susceptible d’interférer dans la tranquille jouissance des castes de privilégiées.

Alors tout l’arsenal est conçu, déployé et entretenu pour garder le peuple dans la soumission volontaire. C’est alors ce qui nous apparaît comme la parfaite expression de notre libre-arbitre qui nous est pourtant imposé. C’est la liberté de se distraire qui est en réalité la chaîne de servitude. C’est l’enivrement aux plaisirs de la chair qui pourtant scelle notre condamnation à subir indéfiniment les lois de l’oppression. Et le logiciel d’aliénation constamment mis à jour dans nos cerveaux fonctionne à merveille, et leur installation en nos enfants dès le plus tendre âge est assuré avec dévouement par les parents, eux-mêmes depuis fort longtemps soumis à l’impitoyable loi de la distraction. Mais pour ces victimes consentantes, tout va pour le mieux, puisque pensent-ils, il en a toujours été ainsi, alors pourquoi s’embarrasser ? Plus on s’y assimile, plus tranquille on est. Les éveilleurs de conscience ne sont-ils pas des rabat-joie ? Contentons-nous du cadre d’épanouissement qui a été défini pour nous par d’autres, au prix de notre tranquillité.

Du coup, nos vraies préoccupations sont ailleurs que dans la liberté des esprits. C’est bien moins risqué comme ça. Tout est dans l’immédiateté et l’éphémère, rien dans l’authenticité et les valeurs humaines. L’ingéniosité subtile des gouvernements est telle que tous les secteurs sont investis par la distraction pour contenir les velléités d’éveil et maintenir les peuples dans la coopération. La musique, le sport, les jeux de hasard, l’alcool, le sexe, la politique et ses pseudos opposants au service des systèmes dominants, la mode, le chômage organisé et les solutions de compromissions pour en sortir, les droits de l’homme de la bien-pensance orientée, les humanismes déguisés et j’en passe, le tout savamment orchestré par les médias encore à la solde des mêmes marionnettistes. Et quand tout ça ne fonctionne plus et que la bombe humaine latente que représente le peuple désabusé menace d’exploser, l’ultime recours à la violence des armées aux ordres n’est jamais loin. Quand la méthode douce d’expression du pouvoir de distraction montre ses limites, le recours à distraction par la dissuasion prend le relais.

Aucune armée n’a jamais pu s’opposer à aucun peuple. Aucune puissance n’a jamais résisté face à la détermination des foules. La parfaite connaissance de cette réalité par nos gouvernants fait qu’ils sont dotés des armes de distraction massives les plus à la pointe de la crédulité de leurs populations.

Tant que chacun de nous se battra pour son seul confort personnel en espérant que la bonté divine finira par résoudre les préoccupations de l’Univers à force de prières et de voeux pieux, alors nous devrons arrêter de nous plaindre et assumer que les privilégiés continuent de piétiner allègrement les sacrifiés, tout en considérant qu’il en est ainsi parce que c’est l’ordre normal des choses. On n’implore pas le ciel pour se trouver de l’autre côté de la rive quand le pont du salut est déjà dressé et qu’il suffit de traverser.

Paul ELLA,

Président du Mouvement AFRICAN REVIVAL