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La lecture, principale arme de libération de l’Afrique

Les africains ne lisent pas. Certains l’affirment. Quelqu’un a d’ailleurs déclaré que la meilleure
façon de cacher une chose à un noir, c’est de la mettre dans un livre. Les plus frileux aux
stigmatisations s’en sont naturellement offusqués. Les africains et les noirs en général
n’aiment-ils vraiment pas lire ? Cliché ou réalité ?

Essai de décryptage

Bon nombre de phénomènes humains peuvent s’analyser sous l’angle anthropologique pour
mieux en comprendre les tenants et aboutissants. En effet, les origines historiques et
culturelles des peuples permettent en général de trouver des explications plausibles aux
réalités actuelles. Déjà, est-ce fondé ? Est-ce qu’on peut raisonnablement statuer de ce que
les africains n’aiment pas lire ? A-t-on des indicateurs factuels, statistiques et empiriques pour
valider une telle assertion sans verser dans la stéréotypie et même l’essentialisme ? Chacun
des lecteurs de ces lignes, pour ceux qui y arriveront, peut déjà répondre à cette interrogation
sous le prisme de sa réalité personnelle mais aussi de celle de son entourage. Plutôt que
d’avoir la prétention d’apporter des réponses à ce questionnement, choisissons de le
prolonger : Combien d’heures en moyenne les africains consacrent à la lecture par jour ?
Combien d’ouvrages chacun des lecteurs du présent article lisent par mois et par an ? Combien
sont actuellement en train de lire un livre ? Combien fréquentent régulièrement une
bibliothèque ou une librairie ? Combien achètent des journaux chaque semaine ? Combien
prennent la peine de lire les articles et autres documents sur internet en lieu et place des
vidéos gags, des anecdotes stupides et des ragots des égouts ? A quand remonte la dernière
lecture d’ouvrage de chacun d’entre nous ? Comment expliquer l’absence ou la rareté des
bibliothèques en Afrique ? Et quand elles existent, malgré la pauvreté des rayons, comment
expliquer qu’elles soient autant désertées au profit des bars et lieux de loisirs où l’on dépense
chaque jour l’équivalent de plusieurs livres et journaux ? Comment expliquer, au-delà des
prétendues contraintes financières, que la presse africaine ait autant de mal à exister faute de
lecteurs ? Pourquoi y a-t-il si peu d’auteurs africains ? Et quand ils sont d’origines africaines,
combien sont auteurs d’œuvres aux contenus réellement africaines et non calquées sur des
réalités, visions et intérêts occidentaux ?

Dans les faits, on peut affirmer que la lecture n’est pas le passe-temps favori des africains dans
le sens de la majorité. Dans ma réalité quotidienne, près de 80% des commentaires et autres
réactions à mes articles proviennent de ceux qui ne les ont pas lus. Facile à détecter par la
nature des commentaires. Certains auteurs des commentaires les plus longs et les plus
radicaux dans le sens contestataire finissent par m’avouer qu’ils se sont contentés de lire le
titre de l’article. Extraordinaire !

Des facteurs historiques

L’histoire conventionnelle nous apprend que les premières traces d’écriture datent d’environ
6000 ans et trouvent leurs sources en Mésopotamie (région actuelle de l’Irak) et en Egypte
antique noire. Or, si l’Afrique est citée comme l’une des premières sources d’écriture, il va
sans dire que la culture de la lecture y tire également ses origines. Si on écrit, c’est bien pour
qu’on lise. Parmi les thèses qui attestent que les africains ne lisent pas assez, certaines
indiquent que l’origine serait la tradition orale, ce qui n’est que partiellement vrai, car celle-ci
était essentiellement utilisée pour les histoires contées. La source de toutes les sciences et
connaissances étant africaines, il est inconcevable que la lecture n’ait pas fait partie de la
civilisation originelle de l’Afrique. Les facteurs explicatifs du peu d’intérêt des africains pour la
lecture résident donc nécessairement ailleurs. Sans vouloir épuiser la question, vu que notre
préoccupation est ailleurs dans le cadre des présentes lignes, il apparaît plausible d’identifier
l’une des principales origines à cette carence dans les périodes de l’esclavage à partir du 15e
siècle et de la colonisation entre le 19e et le 20e siècle. Dans la mission primordiale des envahisseurs de déposséder culturellement et spirituellement les africains afin de les couper radicalement de leur références ancestrales et civilisationnelles, ceci pour installer dans les cerveaux des africains le logiciel de la domination de la pensée coloniale, il était impératif de nous priver de toute source de connaissance, donc de lecture. Les colonisateurs étaient conscients de la puissance libératrice de l’arme que constitue la connaissance au travers de la lecture. C’est ainsi que les premiers missionnaires catholiques de cette double période,
déconseillaient vivement aux convertis forcés africains de lire leurs bibles, arguant que le
prêtre seul était doté de l’onction divine nécessaire pour comprendre le message divin. L’idée
a fait son bonhomme de chemin jusqu’à nos jours, au point où la lecture est devenue un
fardeau pour les africains. Même nos systèmes éducatifs fortement colonisés sont conçus
pour empêcher de réfléchir. Ils forment des diplômés façonnés pour obéir. D’où l’insistance
de bon nombre d’enseignants africains à obtenir dans les copies de leurs élèves et étudiants,
la restitution in extenso de leurs cours, faisant de nos diplômés des perroquets dociles,
formatés à l’exécution et non à la conception. D’où nos docteurs et professeurs en tous genres
qui n’arrivent pas à inventer la moindre théorie portant leurs noms, mais se contentent de
psalmodier des auteurs dont ils peinent à comprendre le sens des œuvres. Comment l’Afrique
peut-elle s’en sortir avec de telles coquilles vides, surtout quand celles-ci se trouvent être nos
références de lumières et nos dirigeants ?

Des conséquences culturelles, économiques et politiques

Les africains et même ceux qui se prévalent de la catégorie d’intellectuels se sont facilement
couchés devant l’historiographie de la Renaissance et des Lumières de l’Occident. Et ils
l’assument au point de le réciter pour montrer à quel point ils sont assimilés à la pensée
académique dominante. On nous dira que c’est l’origine de la connaissance éclairée non pas
seulement pour l’Europe et l’Occident, mais aussi pour l’Afrique et le reste du monde. Ce qui
est archi faux. Allez demander aux asiatiques et aux arabes ce qu’ils en pensent. Les périodes
de Renaissance et des Lumières correspondent précisément à la spécificité du parcours
historique de l’Europe qui participe de ses valeurs, projections, contraintes et priorités qui ne
sont nullement celles de l’Afrique. On ne peut pas transposer une réalité d’un peuple vers un
autre en pensant qu’on peut se l’approprier et l’intégrer à notre histoire. Telle la greffe d’un
organe incompatible au corps récepteur, l’Afrique ne peut s’assimiler à l’histoire de l’Europe.
Quand les africains bardés de diplômes vous rassurent la main sur le cœur que l’origine de la
connaissance c’est la Grèce antique d’Hérodote, Hippocrate, Platon et Aristote, et que la
période de la Renaissance et le siècle des lumières en Europe et tous leurs illustres philosophes
et écrivains constituent les fondements et les références inamovibles de la connaissance et de
la civilisation universelles, y compris africaines, vous comprenez que le chemin de la libération
de l’Afrique va être long et périlleux. Et les conséquences désastreuses pour l’Afrique sont
celles qu’on subit depuis des siècles aujourd’hui. La soumission économique et politique est
naturellement au commencement et à la fin de la dépendance culturelle, académique et donc
littéraire de la civilisation gréco-romaine puis judéo-chrétienne, en tout cas, pour ce qui est
considéré comme tel.

Mais en quoi la lecture peut-elle être un moteur de développement économique et de liberté
culturelle pour l’Afrique ? Eh bien, en ce que c’est la connaissance qui affranchit. Une écriture
divinement inspirée ne dit-elle pas au chapitre 4, verset 6 de son livre d’Osée que « Mon
peuple périt faute de connaissance » ? Et la même source de rappeler des siècles plus tard
« Vous connaitrez la vérité et la vérité vous affranchira ? ». Et le plus grand savant africain du
20e siècle, Cheik Anta Diop d’affirmer « Armez-vous de connaissance… ». On ne se développe
pas économiquement quand on est aliéné culturellement.

Le défi des contenus africains

La multiplication d’auteurs africains aux contenus africains ne peut que contribuer à un retour
en dignité de l’Afrique. Le principal malheur de l’Afrique c’est d’avoir perdu ses repères
spirituels et ses valeurs culturelles. Tant que la majorité d’africains continuera à croire que
c’est l’Occident qui leurs a fait connaître Dieu par la colonisation, que l’histoire de l’Afrique
commence avec l’esclavage et la colonisation et que l’appropriation de la civilisation grécoromaine constitue un horizon indépassable de l’affirmation notre humanité, de longs siècles
d’obscurantisme nous attendent encore. Tant que qu’on laissera prospérer la
condescendance des déclarations des références d’une civilisation supposée des Lumières qui
font état de ce que « l’Afrique n’est pas suffisamment rentrée dans son histoire », comme
l’ont affirmé deux des plus incultes personnages français que la terre ait jamais portés, l’un,
écrivain et sénateur, en 1879 dans un discours de commémoration de l’abolition de
l’esclavage, et l’autre, de taille à peine plus grande que son esprit, lors de son abjecte discours
de Dakar en 2007, la dignité de l’Afrique continuera d’être transgressée. Les deux égarés ne
manqueront pourtant pas, dans la même synchronisation de pensée tordue, malgré les deux
siècles qui les séparent, de déclarer non moins sereinement que « L’Afrique c’est l’avenir de
l’Europe » ! Aux africains de lire entre les lignes et de cerner les enjeux de ce jeu occidental
machiavélique.

Le véritable combat de l’Afrique est celui de la conscientisation des masses. La pire chose qui
puisse arriver à un peuple c’est de ne pas savoir d’où il vient, car il ne saura jamais où il va.
Aussi, lutter pour son peuple alors qu’il n’a pas suffisamment compris les enjeux est un combat
vain. Un auteur déclarait à juste titre que « Combattre pour un peuple ignorant revient à
s’immoler par le feu pour éclairer son chemin à un aveugle ». Il faut aussi éviter de se tromper
de cible, donc de combat, en prenant pour ennemi son frère et pour ami son bourreau. Voilà
résumé en trois points l’origine des malheurs de notre continent. Et cette réalité est spécifique
à l’Afrique et donc la solution ne saurait être inspirée d’ailleurs. La délivrance de l’Afrique
passera inéluctablement par la lecture. Mais il ne suffit pas de lire pour s’affranchir. Encore
faut-il choisir ses contenus. Certaines lectures abrutissent et asservissent davantage. La
problématique des auteurs africains n’est pas dans la quantité des ouvrages mais dans la
qualité de leurs contenus devant contribuer à l’éveil des consciences. Il ne suffit pas d’être un
auteur africain pour parler de littérature africaine, tout comme un intellectuel originaire
d’Afrique ne correspond pas nécessairement à un intellectuel africain. La littérature africaine
ne peut qu’être engagée et militante en faveur de la cause africaine qui est son retour en
dignité. Cela passe par l’affranchissement des chaînes plusieurs fois séculaires de
l’impérialisme capitaliste outrancier de l’oligarchie d’une certaine élite mondialiste. Penser
une révolution africaine sans envisager la transformation profonde des mentalités au fil des
générations est une chimère. Le combat africain qui mérite d’être mené est d’abord
intellectuel, et cela passe inéluctablement par la connaissance africaine et sa restauration
comme telle, sur la base d’un référentiel propre. Le monde occidental s’est bâti sur ses valeurs
civilisationnelles conformes à sesidéaux sociétaux. Les priorités d’un peuple ne sont pas celles
d’un autre. Toute imposition hégémonique à des valeurs autres que celles d’un peuple au nom
d’un prétendu et prétentieux universalisme rend ce peuple servile et dépouillé de son
essence, de son authenticité, de sa raison d’être. Et s’assimiler aux valeurs d’un peuple
étranger fait du peuple dominant un oppresseur choisi et choyé.

Mais pourquoi spécifiquement la lecture et pas les autres supports ?

Premièrement parce qu’avec tous les autres canaux que sont l’écran de télé, la radio, le
téléphone et autres, il y a toujours place pour la distraction pendant leur usage. Or, il est
quasiment impossible d’être distrait en lisant. Le niveau de concentration est d’autant plus
grand que le niveau de réception l’est également. Et les impératifs du peuple africain ne
l’autorisent pas à la distraction.

Deuxièmement, les supports de lectures échappent aux contraintes logistiques et autres
dispositifs techniques qu’imposent les écrans et les sources audio, et de ce fait la capacité de
mobilité que permet l’activité de lecture contrairement aux autres moyens constitue un
avantage certain.

Troisièmement, aucun support ne donne autant de détails et précisions qu’un article ou un
livre, ni la possibilité de consultation autant de fois que nécessaires avec toute la flexibilité et
la convivialité du transport d’un ouvrage ou d’un magazine, notamment dans le cas d’écrits
sous forme de support papier.

Enfin, ne dit-on pas que les paroles s’envolent et les écrits restent ?

Mettons-nous à la lecture, chers africains. Pour les moins jeunes qui ont déjà pris le mauvais
pli, rien n’est perdu. Forçons-nous à lire, exerçons-nous à ne pas céder à la peur des volumes
des pages. A force de s’exercer, on y arrive. C’est d’abord une question de volonté, même
lorsqu’en tant qu’adulte on a déjà pris la mauvaise tendance. Incitons nos enfants à la lecture.
Dès le plus jeune âge, c’est encore plus facile de prendre la bonne habitude. Lire et faire lire
sont les premiers actes concrets d’une détermination au combat pour la dignité du peuple
africain. A toi qui es en train de finir ces lignes, c’est déjà bon signe.

Responsabilités des parents et des dirigeants

La lecture doit constituer l’arme absolue d’éducation massive des africains. C’est un impératif
catégorique. La faute revient à nos parents et à nous-mêmes qui ne faisons pas de la lecture
une priorité dans l’éducation de nos enfants. En Afrique, les lectures de nos enfants doivent
être minutieusement sélectionnées sur la base de leurs contenus. Il ne s’agit pas de lire pour
lire, mais de lire pour former et éduquer selon les idéaux de nos valeurs culturelles. Comme
la lecture affranchit des chaînes de l’aliénation culturelle, c’est aussi de la même manière
qu’elle formate les pensées dans les pires spirales de dépendances desquelles il sera difficile
de se défaire. La responsabilité incombe naturellement également à nos dirigeants qui ont le
pouvoir de décision et qui doivent mettre en place des mécanismes et infrastructures pour
inciter nos jeunes et nos adultes à l’activité salvatrice de lecture. Encore faut-il qu’eux-mêmes
en comprennent le caractère essentiel, comme ils semblent avoir si bien compris la nécessité
de laisser proliférer les bars et autres centres de loisirs pour mieux distraire le peuple de ses
véritables préoccupations.

Quand les parents africains auront compris qu’il est plus instructif et constructif d’offrir un
livre de lecture à leur enfant plutôt qu’un pistolet, une poupée blanche ou un poster d’une
star américaine à demi-vêtue…

Quand les dirigeants africains auront compris qu’il est plus utile pour leurs peuples et pour
leurs pays de promouvoir des systèmes éducatifs et structures privilégiant la lecture et les
contenus africains plutôt que les bars, débits de boissons, jeux de hasards et autres
divertissements abrutissants qu’ils plébiscitent à tour de bras…

…alors le réveil de l’Afrique amorcera sa sortie du long tunnel des jérémiades et des vœux
pieux.

A bon entendeur…

Paul ELLA

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